CNE BERTHOMIEU André - 164e RIF

 

Compte rendu du Capitaine BERTHOMIEU André du 164e RIF (Secteur fortifié de Boulay, Sous secteur de Hombourg-Budange) - 3e Armée, au sujet des circonstances dans lesquelles il s'est trouvé, lui et son détachement, séparé de son unité.

 

"Dans la nuit du 14 juin 1940, le 164e RIF a reçu l'ordre d'embarquer à la gare de "METZ MARCHANDISES" à destination de DIJON. Or le train prévu pour l'embarquement dudit régiment ne comporte que des wagons à bestiaux et aucune plateforme. Le régiment embarquera donc uniquement son effectif et ses armes individuelles, laissant T.C. et T.R.

Ordre est donné au T.V. (Train Hippo) de se replier d'urgence et par ses propres moyens en direction du sud. Pour le T.R. ,le Chef de Bataillon RENAULT Commandant le 1er Bataillon ORGEBIN, commandant par intérim le 164e Régiment d'Infanterie de Forteresse qui a été mis au courant de la mission qui m'est confiée, me donne l'ordre verbal suivant: "Ne faites pas cela seulement pour votre bataillon, faites le pour tout le Régiment. Rassemblez tous les véhicules que vous pouvez et fichez le camp à toute vitesse, point de ralliement DIJON. Tâchez de na pas vous faire prendre et bonne chance." Le Commandant DELAVAL qui l'accompagne ajoute, "si nous ne nous retrouvons pas à DIJON, allez au bureau de la place de Dijon et là, nous vous laisserons de nouvelles instructions." Il est à ce moment là 1 heure du matin, je pars immédiatement "DEVANT-LES-PONTS", point de ralliement des T.C. et T.R. Je rassemble tous les véhicules de mon bataillon; Camions, camionnettes, chenillettes et tout ce que je peux récupérer des autres bataillons.

Il est impossible dans la nuit de retrouver les véhicules du 3e bataillon qui ont dû s'égarer avant le point de ralliement. Je ne retrouve que quelques véhicules et toutes les chenillettes du 2e bataillon.

D'après les renseignements recueillis, l'avance ennemie serait très pronconcée en direction de PONT à MOUSSON. Je donne l'ordre de départ de mon convoi en direction de  CHATEAU-SALINS où j'ai l'intention de procéder au petit jour au 1er regroupement du convoi.

J'arrive à CHATEAU-SALINS à 5 heures le 15 juin et j'attends jusqu'à 7 heures le regroupement du convoi qui se compose en définitive de:

- 2 Voitures de liaison (1er et 2e Bataillons)

- I Voiture sanitaire (1er Bataillon)

- II Camions et Camionnettes (1er et 2e Bataillon)

- I motocyclette (1er Bataillon)

 II  chenillettes, 5 du 1er Bataillon - 6 du 2e Bataillon dont une sans remorque.

 

Outre quelques vivres, le chargement du convoi est d'environ 30 tonnes de munitions.

 

Effectifs du convoi:

- I officier

 9 Sous-Officiers (dont 2 Médecins Auxiliaires)

57 Hommes

 

Les hommes qui composent cette colonne sont des spécialistes, chauffeurs et mécaniciens de voitures ou de chenillettes, hommes de corvée pour la manutention des munitions et vivres, quelques sous-offciers comptables etc.

Pendant notre stationnement, pourtant sous couvert, nous sommes repérés à 2 reprises par des avions ennemis qui avaient suivi notre convoi; à 7 heures je donne le signal de départ... à peine avons nous démarré, que les avions ennemis lachent une dizaine de bombres à l'endroit exact de notre stationnement.

Nous descendons sur LUNEVILLE et CHARMES, pause dans la forêt de CHARMES de 12 heures à 16 heures, les hommes sont très fatigués par la nuit mouvementée. Ils ont besoin de récupérer en vue de l'effort que je vais leur demander.

Nous stationnons sous bois mais les colonnes d'artillerie qui descendent la route sont très visées par les avions et nous subissons pendant quatre heure d'arrêt, 3 bombardements par avion. 2 bombres tombent assez près, effet de souffle formidable. Aucun dégat pour nous car nous sommes dans le fond d'un ravin.

16 heures, départ en direction de CHARMES, MIRECOURT, MATTAINCOURT, HYMONT et plus tard VITTEL ?

A MIRECOURT, grosse agglomération de troupes, nous sommes poursuivis par des avions volant bas et qui mitraillent sans cesse.

A HYMONT, nous sommes arrêtés brusquement par un violent bombardement d'avions, 3 bombes tombent sur la route à 150 mètres devant nous, nous stoppons. Nous ramassons trois civils grièvement bléssés par les bombes. Notre sanitaire les conduit au P.S. le plus proche.

A cet instant, une voiture de liaison revenant de VITTEL, et montée par un médecin Capitaine, nous apprend que VITTEL évacue ses formations sanitaires, car les colonnes allemandes ont atteint LANGRES.

Le renseignement se confirme par d'autres déclarations concordantes. Il m'est impossible de poursuivre mon itinéraire normal en direction de DIJON. Je décide de remonter par EPINAL, PLOMBIERES, LUXEUIL, VESOUL et DIJON. A MATTAINCOURT où je suis revenu, je décide de dévier mon convoi en direction d'EPINAL.

Nous y sommes à 20 heures 45. Ravitaillement en essence au dépôt d'EPINAL. Pendant notre arrêt, des avions bombardent la gare de THAON et y font sauter un train de munitions en stationnement. Les explosions se succèdent sans arrêt pendant plus d'une heure.

J'arrête mon convoi sous couvert en bordure de la route à 5 kms après la sortie d'EPINAL en direction de XERTIGNIES. Il est 21 heures 30, les hommes mangent et dorment.

DIMANCHE 16 JUIN

Départ à 3 heures direction XERTIGNY, PLOMBIERES, LUXEUIL. Je précède la colonne car la route est terriblement encombrée par des véhicules de toutes sortes... et notamment les voitures sanitaires de la 4e Armée qui remontent vers REMIREMONT... Encombrement, nous perdons un temps considérable, mais j'apprends que la poussée allemande continue en direction de GRAY et que pour moi l'itinéraire par VESOUL serait très risqué. Je décide de descendre par LURE et afin d'éviter les colonnes des grands parcours, je dirige mon convoi par toutes les petites routes secondaires, évitant soigneusement tout ce qui est marqué en rouge et même en jaune sur la carte Michelin.

Je crois que cette détermination m'a été d'un grand secours, sans elle je n'aurais pas pu passer à temps.

Vers 2 heures 30, nous stationnons dans la forêt qui est au nord-est de LURE à 4 kms de cette ville. Nous essuyons 2 bombardements d'avions consécutifs sans aucun dommage.

Nous ravitaillons en essence car on nous signale à proximité un dépôt que les gardiens ont ordre de faire sauter.

J'apprends à cet instant que de violents bombardements viennent d'avoir lieu sur BELFORT et MONTBELIARD, et on m'annonce qu'une attaque aurait eu lieu sur BELFORT, manaçant ainsi de voir se refermer la tenaille entre les éléments ennemis qui viennent de VESOUL et BESANCON, et ceux qui viennent de BELFORT.

Je décide de passer le DOUBS immédiatement et de suivre la route qui longe la frontière Suisse.

Toujours à travers les routes secondaires qui heureusement traversent d'épaisses forêts, j'arrive à regrouper mon convoi vers le pont de BART au sud ouest de MONTBELIARD (Voujaucourt).

Au moment de passer le pont, les avions ennemis très nombreux qui nous suivent toujours, déclenchent un violent bombardement visant notamment le pont que je voulais traverser, je dévie sans arrêter mon convoi qui me suit sur la route de BESANCON. Dépassant volontairement le pont... sans le traverser, et tandis que les bombardiers ayant jeté leurs bombes se sont éloignés, je retourner seul au pont pour voir si il a été touché.

Le pont n'a rien, je reviens à mon convoi, lui fait faire demi-tour et à toute vitesse nous passons le pont et nous regroupons dans la forêt qui se trouve entre MATHAY et BOURGUIGNON et sur la route de Pont de ROIDE...

Nous faisons la pause à cet endroit, il est 13 heures 30; Les chenillettes nous ont rejoints presque aussitôt, étant donné le retard que nous avons pris pour le franchissement du pont.

Au moment où je me dispose à repartir en direction de PONT de ROIDE, MAICHE, MORTEAU, PONTARLIER, j'apprends par des officiers arrivant de SOCHAUX que les usines SOCHAUX sont en flammes et que le pont sur le DOUBS (le nôtreà a été coupé par une bombe d'avion. Il était temps de passer.

Nous repartons, mais la route est très difficile et très encombrée, et il n'est plus question maintenant que nouss ommes dans la montagne d'éviter les routes rouges et jaunes. Je précède le convoi de plusieurs kms, quand j'arrive à PONT de ROIDE. Déviation de la circulation, les avions ennemis viennent de couper la route.

Ceci ralentit encore notre allure car c'est par des chemins de terre que nous regagnons la grande route au delà de la coupure.

Je remarque en passant que la coupure de cette route par l'aviation ennemie témoigne de beaucoup d'habileté technique et stratégique. J'atteins MAICHE puis MORTEAU et enfin PONTARLIER où j'arrive à 18h30. A plusieurs reprises j'ai essayé de revenir en arrière pour aller au devant du convoi, j'ai dû renonver à cause de l'encombrement toujours croissant.

A PONTARLIER je me présente au major de la place; Un capitaine légèrement affolé et surpassé par les évènements; il y a une cohue indescriptible. Il est incapable de me dire où je dois le rejoindre, moi élément de la 3e Armée. On m'indique tour à tour MOREZ, Saint CLAUDE. Mon sergent chef auto vient d'annoncer que le convoi est très éloigné encore, à cause des encombrements. Les camionnettes arrivent vers 20 heures et les chenillettes enfin à 22 heures. Je regroupe le convoi à la sortie Est de PONTARLIER sous un couvert et nous s

 

 

SUITE DU COMPTE RENDU A DECOUVRIR DEMAIN, LUNDI 16 JUIN 2014